Depuis cinq ans, les agents de la fonction publique subissent une série de mesures gouvernementales qui érodent leur pouvoir d'achat et l'attractivité de leurs métiers.
Face à des tensions croissantes sur le recrutement et à une transformation des besoins des services publics, ces évolutions inquiètent profondément les collectivités locales et les représentants du personnel.
Depuis cinq ans, les agents de la fonction publique sont confrontés à une série de mesures gouvernementales qui ont, directement ou indirectement, affecté leur pouvoir d'achat et contribué à la perte d'attractivité de leurs métiers. Dans un contexte de tensions accrues sur le recrutement et de transformation des besoins des services publics, ces évolutions suscitent l'inquiétude des collectivités locales comme des représentants du personnel.
Le point d'indice, base de calcul de la rémunération des fonctionnaires, est resté gelé pendant de nombreuses années. Entre 2010 et 2022, seule une revalorisation en 2016 est intervenue, avant une hausse de 3,5 % en juillet 2022, suivie d'une nouvelle augmentation de 1,5 % en juillet 2023, puis de l'attribution de 5 points d'indice à tous les agents au 1er janvier 2024. Or, l'ensemble de ces revalorisations cumulées reste très inférieur à l'inflation sur la même période, estimée à près de 15 %. La perte de pouvoir d'achat est donc bien réelle, en particulier pour les agents des catégories C et B, les plus nombreux dans les effectifs territoriaux.
Rétablie en 2018, la journée de carence – absence de rémunération pour le premier jour d'un congé maladie ordinaire – est largement perçue comme une mesure punitive. En 2023, le gouvernement avait envisagé de porter cette carence à trois jours, pour harmoniser le régime public avec le secteur privé. Cette proposition a été abandonnée sous la pression des syndicats et des employeurs publics. Toutefois, depuis le 1er mars 2025, une nouvelle mesure est entrée en vigueur : les congés de maladie ordinaires seront désormais rémunérés à hauteur de 90 % du traitement indiciaire brut pendant les trois premiers mois d'arrêt, après application du jour de carence. Cette évolution, qui touche directement le revenu en cas de maladie, constitue une nouvelle entaille dans les garanties statutaires, et renforce le sentiment d'insécurité financière chez les agents.
La loi de transformation de la fonction publique de 2019 a imposé l'application stricte des 1 607 heures annuelles dans toutes les collectivités, supprimant les régimes dérogatoires pourtant négociés localement. Cette uniformisation, imposée sans revalorisation salariale ou reconnaissance du temps de travail supplémentaire, a nourri un fort sentiment d'injustice. Par ailleurs, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a bénéficié qu’à une minorité d’agents, notamment dans les filières techniques et de sécurité, sans effet massif sur le pouvoir d'achat global.
Les réformes successives des retraites ont relevé l'âge légal de départ et allongé la durée de cotisation requise. Parallèlement, les agents publics ont vu augmenter leurs prélèvements sociaux, ce qui réduit mécaniquement leur revenu disponible. Ce double effet accentue le découragement, notamment chez les jeunes générations, qui voient la fonction publique comme peu attractive et contraignante.
Les politiques indemnitaires, déjà très disparates d'une collectivité à l'autre, peinent à compenser la stagnation du traitement indiciaire. En 2023, la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat a été versée de manière ciblée (plafonnée à 800 euros), sans effet pérenne. Pire encore, le gouvernement a choisi de ne pas reconduire la Garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA) en 2024 et 2025. Ce mécanisme, pourtant essentiel pour les agents dont la rémunération n’évolue plus, constituait une forme de bouclier social aujourd’hui démantelé.
La combinaison de ces mesures a entraîné une baisse notable de l’attractivité des carrières territoriales. Les concours manquent de candidats, les postes peinent à être pourvus, et les collectivités doivent recourir à des contractuels, souvent moins bien formés et plus coûteux à long terme. Cette dynamique fragilise la qualité du service public local et alourdit la charge de travail des agents en poste, déjà en souffrance.
Face à ces constats, les partenaires sociaux appellent à une revalorisation significative du point d'indice, à une refonte équitable de la politique indemnitaire, et à une reconnaissance réelle de l'engagement des agents publics. Sans une réponse structurelle, le risque est grand de voir la fonction publique territoriale entrer dans une spirale de désaffection, au détriment de la cohésion sociale et de la qualité des services aux citoyens.
Avis de Force Ouvrière : Le décalage entre les discours valorisant le service public et les actes budgétaires est devenu intenable. Redonner du souffle à la fonction publique nécessite une volonté politique forte, des mesures concrètes et un véritable changement de regard sur celles et ceux qui servent l’intérêt général au quotidien.